Cinéma et Folie, d'une singularité à l'autre : l'aventure des Marx Brothers
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Le bar clandestin
     

« Espadon »

— Hé Barovelli crie le gérant à travers le bar.
— Oui répond Barovelli en sortant de l’arrière-salle et s’approchant. Qu’est-ce que vous voulez ?
— Surveille la porte. Ne laisse entrer personne sans le mot de passe.
— Qui est ?
— « Espadon ». Le mot de passe est « espadon ». Compris ! s’enquiert le gérant avec autorité.
— Oui. J’ai compris.
— Quel est le mot de passe ? demande-t-il alors.
— Mot de passe.
— « espadon », « espadon » s’emporte le gérant en faisant de grands gestes.
— Très bien. « espadon » répond Barovelli.


Il se met à grommeler en accompagnant du regard le gérant qui s’éloigne. Soudain des coups sont frappés à la porte. Barovelli s’approche et ouvre le vasistas de la porte. Il s’agit du professeur Wagstaff coiffé d’une toque.

— Comment allez-vous ?
— Je vais bien et vous ?
— Très bien. Vous n’entrerez pas sans le mot de passe.
— Et quel est le mot de passe ?
— C’est à vous de me le dire répond Barovelli avant de faire mine de refermer le volet. Il s’arrête et s’approche de son interlocuteur. Je vous accorde trois chances. Il s’agit d’un nom de poisson chuchote-t-il après avoir regardé derrière lui.
— Est-ce Mary ?
— Ah ah ! Ce n’est pas un nom de poisson objecte Barovelli en riant.
— En effet, pourtant elle boit comme eux. Voyons, laissez-moi réfléchir fait le professeur en levant la tête. Est-ce Médecin ?
— Eh, vous êtes fou. Un médecin. Jamais de la vie, ça vous charcute quand vous êtes malade. C’est votre dernière chance.
— Je l’ai. Aiglefin !
— C’est marrant. Moi aussi, j’ai aussi un aiglefin.
— Que prenez-vous pour ça ?
— Bien quelquefois je prends de l’aspirine ou quelquefois du calomel.
— J’irais sur mon ventre pour du calomel !
— Du chocolat au calomel ? J’aime les deux. Mais ce n’est pas ça. Il referme le volet.


De l’autre côté, le professeur, resté seul, refrappe aussitôt à la porte. Le vasistas s’ouvre. Apparaît le visage de Barovelli qui interpelle le professeur.

— Vous ne pouvez pas entrer ici commence-t-il à dire au professeur qui apparaît désabusé. Après un bref instant il enchaîne. Si vous voulez entrer il faut dire « espadon ». Allons, je vous laisse une dernière chance.
Le professeur lève les yeux au ciel en ayant l’air de réfléchir et répète tout bas le mot de passe.
— « espadon », « espadon », « espadon » se dit-il à lui-même avant de s’exclamer. Eh, je crois que je l’ai ! Est-ce « espadon » ?
— Oui c’est ça fait joyeusement Barovelli avant de refermer rapidement le volet.


La porte s’ouvre et Barovelli se montre sur le pas de la porte afin de féliciter le professeur.

— Très bien dit le professeur en lui tendant la main.
— Bravo ! Vous l’avez deviné répond Barovelli en lui serrant la main.


À peine lui a-t-il serré la main que le professeur se précipite à l’intérieur du bar et claque la porte derrière lui. Barovelli se retrouve à son tour devant l’entrée. Il frappe aussitôt à la porte. Le vasistas s’ouvre et cette fois apparaît le visage du professeur.

— Que voulez-vous ?
— Je veux entrer.
— Quel est le mot de passe ?
— Vous ne m’aurez pas. C’est « espadon » annonce-t-il sûr de lui.
— Le mot de passe a changé lui rétorque le professeur en refermant le volet.


Il frappe de nouveau. Le vasistas s’ouvre.

— Quel est le nouveau mot de passe maintenant ?
— Je l’ai oublié. Je vous rejoins tout de suite pour le trouver.


Le professeur allie le geste à la parole en rejoignant Barovelli. Il referme mécaniquement la porte derrière lui. S’en apercevant il essaie en vain de l’ouvrir en tournant la serrure et finalement, se met à frapper à la porte avec insistance, accompagné par Barovelli… en vain.

… Quelques moments après, tous les deux se retrouvent à attendre, assis près de l’entrée.

— Eh, voici mon partenaire dit Barovelli en montant du doigt Pinky qui apparaît. Il enjambe le professeur et se dirige vers la porte. Il frappe.
— Pinky, connais-tu le mot de passe ? demande Barovelli.


Pinky fait signe que oui de la tête pendant que le volet de la porte s’ouvre. Le visage du gérant apparaît. Pinky sort de son imperméable un poisson dans lequel il enfourche une épée. Le gérant esquisse un sourire et lui ouvre aussitôt la porte. Pinky entre d’un pas guilleret en arborant le poisson-épée sur l’épaule. Barovelli et le professeur en profitent alors pour se faufiler à quatre pattes à l’intérieur du bar clandestin sous l’œil bienveillant du gérant.

— Debout, on n’entre pas dans un bar clandestin comme on en sort dit le professeur avant de rejoindre le bar.