Cinéma et Folie, d'une singularité à l'autre : l'aventure des Marx Brothers
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Le side-car
Palais présidentiel (extérieur jour)

— On vous attend à la Chambre. Ciel ! Pas dans cette tenue ! fait Mme Teasdale qui aperçoit les mollets dénudés de Firefly.
— C'est à prendre ou à laisser ! répond-il et lève aussitôt le bras pour donner un ordre. Ma voiture ! La voiture de Mon Excellence !
— La voiture de Son Excellence ! crie un laquais.
Un héraut souffle dans sa trompette relayé par un autre laquais transmettant la demande en clamant.
— La voiture de Son Excellence !


Un autre héraut souffle dans sa trompette…

À l'entrée du palais apparaît un groupe de gardes qui s'arrêtent à la hauteur du portail et se mettent à souffler dans leurs trompettes. Puis ils s'écartent de part et d'autre de l'entrée pour laisser passer une moto munie d'un side-car, sur lequel flotte un petit drapeau freedonien. La moto pénètre à vive allure dans la cour du palais et vient s'arrêter en crissant des pneus en bas des marches du perron. Le conducteur est un jeune homme portant un haut de forme et une large gabardine dont l'ouverture laisse deviner une chemise à fleurs et une cravate rayée. À plusieurs reprises les trompettes des gardes retentissent pendant que Firefly fait son apparition sur le perron, suivi par deux gardes en uniforme. Vêtu d'une queue de pie, coiffé d'un haut de forme, il vient prendre place dans le side-car. Le chauffeur en profite pour prendre une photo de son passager en toute discrétion et sort ensuite un bout de papier et un stylo. L'un des gardes ouvre la porte du side-car. Firefly s'installe et s'adresse au chauffeur.

— À la Chambre en vitesse dit-il prestement au chauffeur qui remonte rapidement sur la moto. Conduisez comme un malade. Si vous tombez en panne d'essence, allez chercher de l'éthyle. Si Ethel n'est pas là, allez chercher Mabel. Maintenez filez !

Le chauffeur démarre aussitôt. Mais seule la moto part, laissant le side-car qui s'est détaché, immobile, au milieu de la cour. Firefly, étonné, observe la moto s'éloigner puis se décide à sortir du side-car. Il observe son palais et s'adresse à ses gardes qui lui faisaient le salut.

— Cela fait vraiment du bien de se retrouver chez soi !
 
         
 
       
   
 
 
Palais présidentiel (extérieur jour)

Le chauffeur attitré de Firefly, courbé sur sa moto, s'arrête bruyamment devant les marches du perron. En haut du perron, deux gardes en uniforme s'empressent de sonner à la hâte l'arrivée de Firefly qui apparaît aussitôt d'un pas visiblement pressé. Il descend rapidement les marches en donnant des indications à son chauffeur.

— J'ai rendez-vous avec l'ambassadeur Trentino pour l'insulter. Dépêchez-vous !

Il monte dans le side-car. Mais, il ne s'est pas encore assis que le chauffeur démarre, laissant Firefly et le side-car sur place. Il accompagne du regard la moto et, dubitatif, s'assoit sur le rebord du side-car.

— Cinq fois que je pars sans aller nulle part dit-il le menton dans la main.
 
   
   
       
 
       
Jardin de madame Teasdale (extérieur jour)

— Oh votre Excellence, il faut que je vous parle implore Mme Teasdale en le retenant par le bras.
— Je vous verrai au théâtre ce soir. Je garderai votre fauteuil jusqu'à votre arrivée. Quand vous arriverez, je vous laisserai vous débrouiller toute seule lui répond Firefly.
— La voiture de Son Excellence ! crie un laquais.
— La voiture de son Excellence ! surenchérit Firefly en faisant un porte-voix avec sa main.


Il a coincé l'ombrelle de Madame Teasdale sous son bras et se dirige avec résolution vers sa voiture. À l'entrée du jardin, son chauffeur attend, assis sur la moto. Le moteur tourne. Les deux hommes se font le salut militaire et le chauffeur invite de la main, Firefly à entrer dans le side-car.

— Ah non, pas comme ça ! Je ne prends plus aucun risque. On ne peut tromper un Firefly que deux fois. Cette fois-ci, vous montez dans le side-car.

Le chauffeur acquiesce de la tête et monte dans le side-car, en esquissant un léger sourire. Firefly enfourche la moto et se met en position pour démarrer. Après quelques accélérations, le side-car part laissant, seule, la moto. Le chauffeur salue une dernière fois Firefly et s'éloigne pour de bon. Firefly le regarde longuement et s'accoude finalement au guidon.

— C'est la seule façon de voyager.