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Rue
(extérieur jour)
Chicolini, accompagné de son chien, se tient près
de son stand ambulant de cacahuètes et de hot-dogs devant
le palais présidentiel. —
Cacahuètes ! crie-t-il à deux filles qui passent
dans la rue.
La façade du palais est traversée par un balcon,
rehaussé d'une tenture, et par deux grandes portes-fenêtres.
Plus bas, se trouve un énorme soupirail avec des barreaux.
Firefly apparaît au balcon. —
Hé ! fait-il au vendeur qui lui lance aussitôt
un paquet de cacahuètes. Firefly le reçoit et
s’accoude au balcon. Aimeriez-vous devenir un fléau
public ? lui demande-t-il.
— Bien sûr. Combien paye le boulot ?
— J'ai bien envie de rentrer dans un club et de m'en servir
pour vous assommer !
Chicolini se remet à vendre sa marchandise.
— Cacahuètes… et s’adressant
à Firefly, Vous-même !
— Avez-vous une licence ?
— Une licence ? Non. Mais mon chien a du bon sens. Croyez-moi,
c'est une bête intelligente. Vous savez il est parti au
pôle avec l'amiral Byrd lui répond-il en montrant
son chien du doigt.
— Je parie que c'est le chien qui a atteint le pôle-tôt.
— Gagné !
— Montez ! Je veux effrayer le Cabinet.
D'un signe de la main, il invite Chicolini à le rejoindre
avant de se diriger à l’intérieur du palais. |
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Salle
du Conseil (intérieur jour)
Dans la salle du Conseil qui fait office de bureau, le téléphone
se met à sonner. Firefly se précipite pour décrocher
le combiné, mais Chicolini est le plus rapide.
— Allô… allô…
non, non, il est absent… D'accord, je lui dirai. Au revoir.
Il raccroche. Firefly, l'air très détaché,
écoutant la conversation, a lancé sur la table
son paquet de cacahuètes et après avoir posé
son cigare sur le rebord du bureau commence à en décortiquer
quelques-unes qu’il a gardées dans la main.
— C’était pour
vous.
— Je suis désolé d'être absent…
Je voudrais avoir une longue conversation avec vous. Maintenant,
écoutez… lui dit-il en s'installant confortablement
dans son fauteuil et jetant au fur et à mesure les coquilles
vides des cacahuètes par terre. Vous laissez tomber ce
stupide stand de cacahuètes et je vous trouve un boulot
tranquille au gouvernement. Alors, voyons… fait-il en
se renversant un peu plus dans son fauteuil avant de se relever
aussitôt. Que diriez-vous de vous occuper des amendes
? questionne-t-il en s'asseyant sur le bras de son fauteuil.
— Amande ? Non, non, j'aime pas les amandes. Euh…
qu'est-ce que vous avez d'autre comme parfum ? demande Chicolini
qui contourne le fauteuil, avant d’être rejoint
par Firefly qui s’est levé.
Le téléphone sonne de nouveau. Firefly s'apprête
à décrocher. Mais Chicolini est encore une fois
plus vif et se saisit du combiné. —
Allô, allô… Penché en avant, Chicolini
répond au téléphone avec, attentif, Firefly
à ses côtés. Non, pas encore. D'accord,
je lui dis. Au revoir. Merci. Il raccroche et s’adresse
à Firefly qui a repris son cigare. C'était encore
pour vous.
— Je me demande ce que j'ai pu devenir se demande Firefly
en passant une main dans ses cheveux et cherchant ici et là
quelques indices de sa propre trace. Cela fait longtemps que
j'aurais dû être de retour. Maintenant, écoutez,
j'ai un boulot formidable pour vous… se reprend-il et
grimpant sur son fauteuil en s’asseyant sur le dossier,
il poursuit à l’adresse de Chicolini. Mais d'abord
il faut que je vous pose deux ou trois… questions importantes.
Bon, qu'est-ce qui a quatre pantalons, vit à Philadelphie,
ne pleut jamais mais tombe à verse ?
Il se cache le visage d'une main et se délecte en aparté
de la réponse de Chicolini qui fait mine de chercher.
— C'en est une bonne. Je vous
accorde trois réponses.
— Alors, laissez-moi réfléchir… A
quatre pantalons, vit à Philadelphie… C'est masculin
ou féminin ?
— Non, je ne crois pas.
— Est-il mort ?
— Qui ?
— Je ne sais pas. J'abandonne s’exclame Firefly
en se tapant sur les genoux.
— J'abandonne aussi. Maintenant, je vous en pose une autre.
Qui est-ce qui a une grosse moustache noire, qui fume un gros
cigare noir… et qui est un sacré emmerdeur ?
Firefly est descendu de son fauteuil et réfléchit,
tout en tirant à grandes bouffés sur son cigare.
— Attendez, ne me dites pas.
Il a une grosse moustache noire… Il fume un gros cigare
noir… et c'est un sacré…
— Euh…
— Porte-t-il des lunettes ?
— Vous avez deviné rapidement.
— Rien que pour ça, vous n'aurez pas le boulot
que j'allais vous donner dit-il en s’approchant de son
interlocuteur.
— Quel boulot ?
— Ministre de la Guerre.
— Ça marche, je le prends.
Les deux hommes se serrent la main avec vigueur.
— Vendu ! fait Firefly, satisfait. |
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Salle
du Conseil (intérieur jour)
— Alors, où
en étions-nous ? Ah oui. Maintenant que vous êtes
ministre de la Guerre, à votre avis, quel type d'armée
devrions-nous avoir ? demande Firefly en raccompagnant Chicolini
à la porte.
— Eh bien, je vais vous dire ce que j'en pense. Je pense
que nous devrions avoir une armée de fantassins.
— Pourquoi devrions-nous avoir une armée de fantassins
?
— Parce que ça nous permettra de faire des économies
sur les chaises.
Ne supportant plus l'ironie de son interlocuteur, Firefly le
saisit par le cou et le chasse dans le couloir d'un coup de
pied aux fesses. Un grand fracas se fait entendre, avant que
Firefly ne referme la porte derrière lui et ne se dirige,
en ajustant sa veste et se recoiffant, vers son bureau.
— Cacahuètes !… La, la, la… chantonne
Firefly, apparemment content de lui. |
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Coupure
de journal
Un portrait de Chicolini portant la légende « La
cour martiale ! » illustre un article de journal dont
le titre est explicite : « Chicolini arrêté.
Il passera en cour martiale pour trahison. L'espion a été
arrêté alors qu'il essayait de dérober les
plans de guerre chez Gloria Teasdale. Firefly le poursuit en
justice : une condamnation rapide est attendue. »
Salle du Conseil (intérieur jour)
La grande salle du conseil a été transformée
en chambre de tribunal. La salle est remplie de ministres, de
généraux, de gardes et de civils en costume traditionnel.
— Son Excellence Rufus T. Firefly
crie un laquais.
Dans un élan unanime, tout le monde se lève pour
se mettre à chanter l’hymne de la Freedonie.
— Vive, vive la Freedonie. Terre des…
Firefly arrive d'un pas rapide et se place derrière le
grand bureau dressé pour l'occasion. Sont déjà
assis plusieurs officiers, qui n'attendent plus que lui.
— … braves et des hommes libres.
Firefly pose sa serviette sur le bureau, sort une bouteille
de lait et un verre ainsi que divers petits paquets et se met
à chercher dans sa serviette. —
Lieutenant… Pourquoi les documents d'accusation ne sont-ils
pas dans ma serviette ? demande-t-il à son secrétaire
vêtu pour la circonstance d’un uniforme.
— Pourquoi… euh… Je ne pensais pas que ces
papiers étaient importants, Votre Excellence répond
le secrétaire qui s’est levé pendant que
Firefly se verse un verre de lait.
— Vous ne pensiez pas qu'ils étaient importants
! Réalisez-vous que j'avais enveloppé mon dessert
dans ces papiers ? Reprenez cette bouteille et ramenez les deux
cents de la consigne dit-il en s’adressant à l'un
des officiers assis à ses côtés et lui tendant
la bouteille.
Chicolini est assis plus loin, en contrebas dans le box des
accusés. Il aperçoit Firefly et se lève
pour le saluer, d’un ton jovial. —
Salut Patron !
— Chicolini, je vous joue coupable à huit contre
un prononce Firefly, entouré par les officiers du tribunal
d'exception.
— C'est pas bon. Je peux obtenir dix contre un chez le
coiffeur.
— Chicolini, vous êtes accusé de haute trahison.
Si vous êtes reconnu coupable, vous serez fusillé
déclare le procureur qui s’était approché
de Chicolini.
Firefly s'assied sur un bras de son fauteuil, dépassant
ainsi les autres juges d'une bonne tête. —
Objection ! lance Chicolini.
— Hé, vous objectez ! Sur quelles bases ? demande
le procureur.
— Je n'ai rien trouvé d'autre à dire.
— Objection admise interrompt Firefly en donnant un coup
de maillet sur la table.
— Votre Excellence, c'est vous qui admettez l'objection
?
— Bien sûr ! Je n'ai rien trouvé d'autre
à dire non plus. Pourquoi ne formulez-vous pas une objection
?
— Chicolini, quand êtes-vous né ? reprend
le procureur.
— Je ne me rappelle plus. Je n'étais qu'un petit
bébé.
— N'est-il pas vrai que vous avez essayé de vendre
les plans de guerre secrets de la Freedonie sous le manteau
?
— Bien sûr. J'ai vendu également le manteau
et les plan-talons répond Chicolini qui se met à
rire de son bon mot.
— Elle est bien bonne, hein, Patron ? fait-il en se levant
et s’adressant à Firefly.
— Maintenant, je vous joue coupable à vingt contre
un s’écrie Firefly en le montrant du doigt.
— Chicolini, avez-vous quelqu'un pour vous défendre
? demande le juge.
— Ça sert à rien. J'ai même offert
jusqu'à dix-huit dollars, mais j'ai trouvé personne
pour me défendre.
— Mes amis, le cas de cet homme me remue profondément.
Firefly enjambe le bureau pour redescendre de l'autre côté
et poursuit d’un ton solennel en s’approchant de
Chicolini qui a la tête basse. Regardez Chicolini ! Il
est assis là, seul, un personnage abject.
— J'abjecte ! rétorque Chicolini.
— Je disais regardez Chicolini. Il est assis là,
seul, un objet pitoyable… Voyons voir si vous arrivez
à vous sortir de celle-là lance-t-il en aparté
à Chicolini. Encerclé par un océan de visages
inamicaux continue-t-il en montrant d’un geste du bras
la foule venue nombreuse pour assister au procès. Chicolini,
choisissez un nombre entre un et dix. demande-t-il enfin d’un
ton sévère.
— Onze.
— Exact répond sèchement Firefly.
— Maintenant, je vous en pose une. Qu'est-ce qui a une
trompe, mais pas de klaxon, qui pèse une tonne et vit
dans un cirque ?
Firefly réfléchit, les yeux au plafond, les mains
derrière le dos. —
C'est impertinent s’indigne le procureur.
— Un éléphant ! Hé, c'est la réponse.
Y'a toujours plein d’éléphants dans un cirque
se réjouit Chicolini.
— C'est un témoignage qu'il est inutile de verser
au dossier s’empresse d’ajouter le juge un peu courroucé.
— Très bien, je m'en verserai bien un.
— Un quoi ? demande le juge.
— Un verre. Un bon verre de limonade avec des glaçons.
Eh, Patron, je me débrouille bien, hein ? Ouais s’exclame
Chicolini en se tournant vers Firefly et finissant par éclater
de rire.
— Messieurs, s’interpose Firefly s’adressant
aux juges. Chicolini peut paraître s'exprimer comme un
idiot. Il peut avoir l'air idiot, mais ne vous laissez pas abuser
: il est vraiment idiot. Je vous en supplie : renvoyez-le chez
son père et ses frères qui l'attendent les bras
ouverts au pénitencier poursuit-il d’un ton emphatique
alors que Chicolini a perdu son sourire et baisse peu à
peu la tête, accablé. Je propose qu'il aille se
refaire une santé pendant dix ans à Fleury ou
fleurir les murs de la Santé pendant onze ans finit-il
par dire d’un ton ferme.
— Je vous dis ce que je vais faire. Je prends le tout.
On trouve tout à la Samaritaine.
— Je voulais renvoyer le cas devant la cour d'appel, mais
à la place, c'est vous que j'aurais dû renvoyer.
— Objection ! demande le procureur.
— Moi-même, je fais une objection surenchérit
Firefly.
— Alors, je fais une objection aussi.
— Vous êtes l'accusé. Vous ne pouvez pas
formuler d'objection rappelle le juge.
Un courrier militaire entre alors dans la salle. —
Votre Excellence, dit le courrier en saluant Firefly qui le
salue rapidement. Le général Cooper dit que les
troupes sylvaniennes sont sur le point de débarquer sur
le sol de Freedonie. Cela signifie la guerre !
En entendant la nouvelle, un bruissement se fait entendre dans
la salle. — II faut faire
quelque chose. La guerre signifie une augmentation prohibitive
de nos taxes s’empresse de dire le ministre des Finances
en uniforme.
— Hé, j'ai un oncle qui habite au Texas commente
Chicolini.
— Non, je parle des taxes. L'argent. Les dollars réplique
d’un ton appuyé le ministre.
— Dallas, c'est là que mon oncle vit. Dallas, Texas
finit par dire Chicolini qui, riant, se lève et serre
la main de Firefly qui, dans la foulée, serre ensuite
celle du ministre. |
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