Cinéma et Folie, d'une singularité à l'autre : l'aventure des Marx Brothers
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Affiche de la Compagnie de l’Art Brut, 1948
Lausanne, collection de l’Art Brut
     
 
La querelle d’experts
Parmi les membres nommés lors de la création de l’association en 1948 figure André Breton. Aux côtés de Jean Paulhan, Charles Ratton, Henri-Pierre Roché, Michel Tapié et Jean Dubuffet, Breton ne se bornera pas seulement à un rôle honorifique en rapport avec la place et l’influence qu’il détient dans le monde artistique et intellectuel de l’époque. Il s’investira personnellement, encouragé par le fait qu’il partage avec Dubuffet une réelle attirance et fascination pour les productions « hors normes ». Curieux, intéressé par cette entreprise dont la filiation avec le mouvement surréaliste est inévitable, il sera à l’origine de l’enrichissement de la compagnie en faisant découvrir à son initiateur des auteurs comme Pascal-Désir Maisonneuve, Scottie Wilson… pour ne citer qu’eux. Il participera également à la demande de Dubuffet aux premières publications de la compagnie. L’Art des fous, la clé des champs fut rédigé en vue de la publication d’un « Almanach de l’Art Brut » qui restera inédit.
Pourtant cet intérêt commun qui lie Breton et Dubuffet pour les œuvres singulières, déviantes, issues de l’univers asilaire, sera à la fois le point d’attachement et d’achoppement de leur relation. Elle aboutira à un désaccord profond se soldant par la démission de Breton de la compagnie.
Le désaccord reposera sur la place et, en un sens, sur la signification de la folie au sein de la notion d’Art Brut. Rapidement, ils divergeront sur la manière d’appréhender les œuvres des « fous ». Quand Dubuffet prend en considération exclusivement les ouvrages au détriment de l’auteur qui les a produits, Breton au contraire n’entend pas omettre aussi délibérément l’itinéraire de l’auteur. Ces productions sont le fruit d’individus au passé et à l’histoire marqués par l’enfermement asilaire. Il en fait une catégorie particulière. Quand Dubuffet privilégie une approche esthétique nouvelle aboutissant à ce concept d’Art Brut – sans pour autant négliger l’origine de ces œuvres –, Breton ne voit sous cette dénomination qu’un prolongement des trouvailles surréalistes, l’« art des fous » n’étant plus à découvrir à l’époque.
Ainsi la querelle se cristallise-t-elle autour de la notion de folie. Tout en reconnaissant l’un et l’autre sa formidable force vis-à-vis de la création artistique – tous deux furent impressionnés par Bildnerei der Geisteskranken, l’ouvrage de Prinzhorn – ils en tirèrent des enseignements différents.
La dissolution de la compagnie en 1951 tombera à point nommé. L’exil de la collection en direction de New York mettra – temporairement – un terme à cette querelle.