Cinéma et Folie, d'une singularité à l'autre : l'aventure des Marx Brothers
[accueil]  [préambule]  [fascicule 1]  [fascicule 2]  [fascicule 3]  [fascicule 4]  [fascicule 5]  [fascicule 6]  [fascicule 7]
 
 
 
 
Les clandestins
 

Ah ! c'est la seule façon de voyager les gars la seule façon...

… Au fond de la cale, entourés d'amoncellements de sacs et de nombreuses piles de cartons, se distinguent dans la pénombre quatre tonneaux. Pendant que s'échappent des tonneaux des voix fort peu mélodieuses, se laisse progressivement deviner une inscription sur chacun des quatre tonneaux : Harengs fumés.

— « Dans tous mes rêves…
— Dans tous mes rêves…
— Ton doux visage rayonne… Tu es l'idole de mon cœur… Douce Adeline…
— Douce Adeline… »


Les couvercles des tonneaux s'ouvrent laissant apparaître quatre hommes. Ravis de pouvoir enfin sortir et semble-t-il satisfaits de leur prestation, ils saluent un public imaginaire. L'un deux, prenant le couvercle qu'il tient à la main comme miroir se refait, à l'aide d'une brosse à habit, la coiffure et, après un geste de dépit à l'encontre de ses voisins, regagne son tonneau et en referme le couvercle.

— Ah ! c'est la seule façon de voyager, les gars, la seule façon…

Un autre tient à la main un livre qu'il referme aussitôt pour prêter une oreille attentive à ce que disent ses deux compagnons.

— … j'allais emmener ma femme et mes gosses mais l'épicier n'a pu me filer un tonneau de plus dit l'un tout en se brossant les dents, une tasse remplie d'eau à la main.
— J'allais emmener mon grand-père, mais il n'y avait plus de place pour sa barbe lui rétorque l'autre en train de se faire les ongles.
— Pourquoi ne pas expédier ce vieux porc et laisser sa barbe suivre ? lui répond-il après avoir cessé de se brosser les dents.
— J'ai expédié la barbe.
— Ouais, elle arrive par postiche aérienne !
— Chuttt… fait celui qui tenait un livre à la main. Dites, les gars, j'ai l'impression que j'entends quelqu'un !
— Eh bien si c'est le capitaine, j'aurais deux mots à lui dire. Cela fait trois jours que mon eau chaude est froide et je n'ai pas assez de place là-dedans pour faire tournoyer un chat par la queue ! En fait je n'ai même pas de chat !
— Mon grand-père sait les faire tournoyer.
— Ah oui ?
— Hé, ce serait un bon boulot pour lui !
— Oui.


Soudain se fait entendre la voix de Gibson.

— Allons les gars crie-t-il en ouvrant la porte de la cale.
— Hé, voilà quelqu'un !


Aussitôt les trois hommes regagnent précipitamment leur cachette. Deux d'entre eux referment les couvercles tandis que celui qui était resté à l'intérieur choisit ce moment pour sortir. Mais s'apercevant très vite du danger il réintègre immédiatement le tonneau. Quant au troisième qui avait laissé son couvercle posé contre le tonneau, après s'être relevé rapidement, s'en empare pour le remettre à sa place, sous lui. Des bruits de pas retentissent alors plus distinctement et apparaît Gibson suivi de quelques officiers et de marins.

— Allons, grouillez-vous maintenant ! Écoutez, les gars… nous devons trouver ces clandestins et les mettre aux fers crie Gibson s'adressant aux hommes qui l'accompagnent.