|
|
Clément
Rosset* à propos du terme insolite et de ce qu'il nomme
plus précisément, le « sentiment de
l'insolite » que l'on peut parfois éprouver, désigne
sa « rareté spéciale et incisive ».
« […] un objet insolite a pour caractéristique
principale et constante de trancher avec l'ensemble des objets
parmi lesquels il figure, d'y faire si je puis dire cavalier
seul, d'y apparaître étrange et surajouté
[…] ». Il évoque ces spécificités
en partant de la distinction entre un objet banal et un objet
insolite. « Un objet normal se reconnaît à
sa connaturalité avec les objets qui l'entourent, un
objet insolite à son impossibilité de s'y apparenter.
C'est pourquoi leur juxtaposition entraîne un phénomène
qui ressemble à la superposition de deux mondes parallèles
[…]. Deux mondes qui certes existent l'un autant que l'autre,
mais qui ordinairement s'ignorent […]. » Dès
lors l'objet insolite n'a pas de qualités propres, ne
détient pas en lui sa propre définition. « […]
il semble n'y avoir pas en soi d'objet insolite ; plutôt
des sphères d'existences parallèles telles que,
l'une étant donnée, tout objet qui n'y appartient
pas y fait figure d'insolite, et réciproquement. L'objet
insolite n'est pas extraordinaire par lui-même, mais par
son introduction subreptice à l'intérieur d'une
enceinte où il est inconnu et généralement
indésirable. Il signale moins sa propre existence que
la relative indépendance des différentes sphères
d'existence qu'il réussit à mettre en contact
imprévu […]. » La conclusion est alors que
« l'objet insolite témoigne moins, en première
analyse, de l'étrangeté de son existence que de
l'incongruité de certaines “co-existences”.
»
* Principes de sagesse et de folie, Clément
Rosset, Les Éditions de Minuit, collection « Critique
», 1992. |
|
|
|
|